Rencontre
En ondes perpétuelles
striées en des après-demains de soleil
la Normandie me prend par vagues
de pleine lune à marée montante
Je laisse fondre mes anciennes colères
dans le ressac hypnotiseur
d'un arc-en-ciel anglo-normand
J'entrevois des paix
dans le tréfonds de mes folies
et le vent d'Est arrondit l'arête de mes dunes
celle-là même qui me blessait encore hier
Je deviens galet roulant
caressé et caressant
en attente de la main qui me ramassera
pour me mettre dans sa poche
ou me rejeter au loin
dans l'axe d'un rond dans l'eau éphémère.
En Gulf Stream inavoué
j'épouse mes libertés insatiables
je redeviens la fille de l'air
du vent des tourbillons multicolores
qui hantent mon cerveau saturé de mots
En ondes perpétuelles
la Normandie me prend par la main
et m'entraine dans ses douceurs d'ancien marin
amoureux d'un courant d'air
et d'un horizon insaisissable
Je me déguise en plage
pour recevoir la trace de ses pas
et mon port accueille ses amarres usées
par tant de siècles de voyages.
(Rencontre. Déposé SGDL)
Henri Droguet, ce méconnu
"CHANTS À CÔTÉ
Pour tout vous dire (ou presque)
Voilà. J'habite par 49°39' de latitude Nord et 2°01' de longitude Ouest. J'y prends le vent (secteur dominant nord-quart-nord-ouest) dans tous les sens ; j'y prends la mer (quelquefois) ; je prends mon temps ; des mots me surprennent. Je n'écris pas de poésie figurative. C'est Pierre Soulages qui a dit : « Je ne représente pas, je présente. » Eh bien voilà, je ne figure pas, je défigure et c'est du tohu-bohu élémentaire et verbal que je mets en espace, en musique, en crise, en désordre, que je bricole avec ma caisse à outils rhétoriques et intertextuels. Je connais la manœuvre mais je me soucie peu d'acrobaties, d'installations, de dispositifs, de performances formalistes post-modernes ou post-post-modernes… Je règle des comptes avec d'obsolètes soudards et dieux à ferrailles, toges ou barbes, avec moi-moi-moi (par hygiène). J'ajoute des paquets d'oiseaux et de mer, un ébouriffé foutoir botanique, du bleu, beaucoup de bleu. Il y a dans certains coins, dans les ombres de cet état de choses (pourquoi ne pas le dire ?), le formidablement discret sourire, le désordre limpide et déchirant de Dieu. Ce sont les viscères ou l'écume du monde et de la réalité dans leur tout, leur moins que tout, leur presque plus que tout.
Il n'y a qu'un piéton anonyme, une figure nomade et bancroche en marche dans les nuits dévorées/dévorantes, sous les mansardes hirsutes chevelues des cieux en bataille ; la mer bossue s'affuble et se démène ; une étoile fume ; les pluies picotent un lièvre, des schistes, un deltaplane ; la forêt sent le bétail bleu et le poumon froid. Le passant pisse aux lisières, il bée dans la rature des choses ; les vents bourrus effacent ses traces provisoires ; éberlué il dégoise et dégobille ses rengaines, ses palimpsestes, ses psaumes sans trémolos lacrymogènes ou pathétiques (il ne regarde pas lyriquement son nombril) ; il court plus loin, il baguenaude, il passe outre, droit devant, droit devant…
Tout ça s'écrit à la va comme je te pousse, et c'est l'aubaine et c'est l'absence. Il y a, heureusement, ce que j'oublie et ce que j'ignore. Cherchez bien, ça vous trouvera."